Luke, symbole de la scène rock française
LYON | LE TRANSBORDEUR | 19.12.19
Au jeu du chat et de la souris, Thomas Boulard fut le plus fort pendant toutes ces années. Bien au chaud, emmitouflé dans ce doux nom de groupe qu’est LUKE, nous avions tous cru à son existence jusqu’à en oublier le jeune homme. Et puis à force de rencontres et d’interviews nous avions tous compris ce qui est maintenant une évidence, LUKE c’est Thomas Boulard et Thomas Boulard est LUKE.
Depuis 1998, date du 1er EP sorti chez Village Vert, LUKE, donc, nous brouille les pistes au gré de ses recherches sonores. Un premier album tout pop et même trip hop, il enchaîne sur un second platiné « La Tête En Arrière » abrasif, vif et purement rock. Il continue sur sa lancée avec « Les Enfants De Saturne » et revenu de sa terre ferme il part sur l’île acoustique et élégante du si bien nommé « D’Autre Part ». Et puis voyage en bas fonds en 2015 sur le prophétique « Pornographie » album aux textes saccadés et grinçants et à la musique « heavy » qui se télescopa de plein fouet avec la réalité dure. Mais au fond, dans ce dédale musical protéiforme de LUKE, nous avions oublié l’essentiel.
LUKE, c’est d’abord et avant tout des chansons, où les mélodies épousent en grandes noces des textes tissés à la main, par cet homme à tout faire qu’est Thomas Boulard, pardon, Luke. Écoutons le :
« Chacun de mes disques a son sujet, j’ai sûrement le défaut de m’y plonger pleinement pour ne plus en ressortir. Je me fous complètement de ce que j’ai fait avant et encore plus de ce que je ferai après »
A force d’évidence, et pour tout dire d’une certaine lassitude, nous avions laissé LUKE sur l’étagère de nos souvenirs au rayon ROCK FRANÇAIS. Celui du cuir noir et des textes engagés, de la guitare des années 90 aux rythmes guerriers. Et puis un matin on écoute PORCELAINE, le nouvel album de LUKE sans rien attendre. Comme cette lettre volée habilement dissimulée au vu et au su de tous pour la rendre invisible, LUKE s’offre enfin à nous et nos oreilles se tendent, bercées par le plaisir de la surprise.
S’enchainent alors des chansons d’une élégance folle et chaleureuse. Ni trop ni trop peu. Toutes justes et dans leurs tons et dans leurs écrins. Les chansons de Porcelaine nous racontent enfin l’homme qui a toujours été là derrière la voix. Il se livre, aussi nu aussi sincère que possible à nos oreilles qui n’en reviennent pas. Ainsi l’entêtant Porcelaine comme prophétie de ce disque aux contours de dentelle: « on est tous faits de Porcelaine, perdus dans ce désert moderne, recherche amour présence humaine tatoués sur nos bras ». Mélodie qui vogue sur les flots d’un rythme club et au son d’une certaine modernité anglo-saxonne.
Tout dans ce disque est danse, joie et corps. Le bowiesque « Danse Dans La Nuit » suivi de « Flèche », hymne érotique où l’on sentirait presque la présence de Moroder. Le culminant « Dis Moi », morceau de bravoure à l’instrumentation exploratrice. Mais que s’est il passé?
« Rien, j’ai juste voulu digérer toute la musique que j’écoutais sans me poser plus de questions ».
S’en suit une collaboration avec Dimitri Tikovoi (Marianne Faithfull, John Cale, Placebo) pour aider aux finitions du son londonien. Dans cette époque à la froideur absolue, aux questions qui se gargarisent de réponses simplistes, LUKE a choisi. Il a choisi la subtilité et l’élégance. Il a fait le pari de la musique. De ses inspirations sensibles.
Ainsi, par cette recherche tout aussi formelle que profonde, il a fait un bond en avant et a amené sa musique dans notre époque. Il ne regarde plus en arrière enfin. LUKE regarde droit devant, débarrassé de ses lourdes racines, il s’envole et dérive à sa façon avec ses mots « au dessus de l’existence ». Le voile se lève enfin.
C’est lorsque l’on croyait tout connaitre de LUKE qu’on le découvre enfin.